Benoît se souvint, sur le seuil de la petite porte sombre qui lui faisait face, pourquoi il méprisait tant les gens de basse condition. Il s'arrêta un temps et contempla ce qui désormais serait son nouveau lieu de séjour: les pavés, noircis de crasse, formaient une ruelle tortueuse et étroite qui serpentait entre des édifices aux pierres souillées par le temps. Là, un aveugle tendait en gémissant une main mutilée à l'attention de quelque invisible passant. Ici, un gamin accroupi aspirait à longs traits l'eau qui s'écoulait dans la rigole. La lumière même semblait avoir déserté les lieux et le ciel n'affichait qu'un gris morose, comme s'il ne se résignait pas à couvrir autant de malheur. Benoît leva les yeux, et ceux-ci s'arrêtèrent sur l'arche qui coiffait la porte qu'il n'osait franchir, et qui indiquait, comme un affront, "Quartier Populaire".
*C'est donc ici que l'on m'a fait mander*
Benoît afficha une moue de dégoût lorsque lui parvinrent les premiers relents de poisson qui émanaient des lieux. Il tourna alors la tête et prit une grande inspiration qu'il retint, comme s'il savait que l'oxygène ne l'accompagnerait plus. Il fit enfin un pas hésitant, puis un autre et s'engouffra tout entier dans la misère.